Chargée de recherche dans l'Unité d'Immunopathologie Virale à l’Institut Pasteur

23/03/2010
Chargée de recherche dans l'Unité d'Immunopathologie Virale à l’Institut Pasteur
 Florence Buseyne : « On ne guérit toujours pas du sida. »

Si l’épidémie de sida progresse désormais plus lentement, elle n’en reste pas moins préoccupante. Éclairage de Florence Buseyne, chargée de recherche à l’unité d’immunopathologie virale de l’Institut Pasteur de Paris, dont les travaux sont soutenus par la Fondation AREVA.

Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de l’épidémie de sida à travers le monde ?
Florence Buseyne : On note plusieurs choses. D’abord, même si l’épidémie continue de progresser, elle le fait désormais plus lentement. On observe par ailleurs que le traitement proposé aux mères pour prévenir la transmission du virus à l’enfant se montre pertinent et l’on estime à 70 000 le nombre de bébés à qui l’on a pu éviter l’infection à la naissance. Il ne faut toutefois pas oublier que 2,7 millions de personnes (parmi lesquels 430 000 enfants) ont été infectées dans le monde au cours de la seule année 2008 et que le sida reste une maladie dont on ne guérit malheureusement toujours pas.

Toutefois, des traitements existent ?
F. B. : C’est vrai. Mais ces traitements restent lourds, avec de nombreux effets secondaires, une toxicité réelle et, surtout, de grandes contraintes liées à la prise : une fois le traitement débuté, il doit être scrupuleusement suivi afin d’éviter tout risque de mutation du virus.

La recherche est-elle toujours aussi active dans ce domaine ?
F. B. : Tout à fait ! D’ailleurs, pour preuve, deux nouveaux types de molécules ont été développés en 2008 pour soigner les sujets chez qui les virus sont devenus très résistants ou qui ne disposaient plus de solutions thérapeutiques. Aujourd’hui, les médecins disposent de trente molécules efficaces, moins toxiques que précédemment. La mise à disposition de formulations pédiatriques progresse, mais est aujourd’hui incomplète. Les délais entre l’autorisation d’utiliser de nouvelles molécules chez l’adulte et son autorisation chez l’enfant sont encore trop longs.

On évoque parfois un vaccin…
F. B. : Effectivement. Mais, pour l’heure, les candidats vaccins en sont encore au stade des essais. L’un d’entre eux s’est montré encourageant : en Thaïlande, le vaccin testé a permis de réduire de 30 % le risque d’infection. D’autres perspectives sont également intéressantes : je pense notamment aux gels et médicaments destinés à protéger les femmes lors des rapports sexuels. Un premier essai a montré une efficacité dans 30 % des cas également. Néanmoins, il est indispensable que la communauté scientifique poursuive ses efforts pour améliorer l’efficacité des vaccins, indispensables au contrôle de l’épidémie.

Certaines personnes sont-elles plus vulnérables que d’autres à ce virus ?
F. B. : Globalement, on recense trois groupes à risques à travers le monde :

- les travailleurs sexuels, les homosexuels masculins, les usagers de drogue par voie intraveineuse et les prisonniers ;
- les femmes, tant pour des raisons physiologiques que culturelles ;
- et, enfin, les enfants, qui subissent les conséquences de la vulnérabilité de leur mère. On estime aujourd’hui que 2,1 millions d’enfants sont infectés par le virus à travers le monde.

Votre sujet de recherche porte d’ailleurs sur les enfants…
F. B. : Je travaille effectivement sur des adolescents et des jeunes adultes nés entre 1985 et 1993 et qui ont été infectés par le virus à la naissance ou au cours de l’allaitement. Mon objectif est de comprendre comment évolue leur immunité : leur capacité de défense face au virus reste-t-elle constante ? Est-elle influencée par la puberté ? Assiste-t-on à une sorte d’épuisement d’un système immunitaire sollicité depuis la naissance ? Quel est l’impact des traitements ?… En apportant des réponses à ces questions, il sera possible d’aider les cliniciens à améliorer la prise en charge à long terme des sujets infectés à la naissance dans les pays développés comme dans ceux en voie de développement.